mercredi 2 juillet 2014

Journal #15 - 02/07/14

 Comme chaque année, je vis mon lot de péripéties début juillet durant mon "séjour" dans cet univers-parenthèse qu'est Japan Expo. Outre mes habitudes que je finis par concevoir comme éternelles - ma cape d'invisibilité, mon sens de l'orientation complètement neptunien -, il est facile de s'amuser des scènes dont on peut être le témoin ou acteur qu'on est le plus souvent aptes à comprendre ou vivre parce qu'on est à Japan Expo.
Las d'une journée éreintante (= j'ai trop fumé) passée entre des stands dégueulant de goodies illimités à attendre que les portes soient ouvertes, je galère comme tou(lemonde)jours pour passer les portillons de la gare du Parc des Expos de Villepinte et avoir enfin le droit d'attendre avec des centaines d'autres personnes le prochain train ralenti et prévu dans 20min. Celui-ci arrivé je m'incruste dans l'entassement afin d'assurer ma place vers le pays des rêves, quand quelques minutes après sort de nulle part l'homme qui apparaît et chante dans cette internet-famous video :


 L'homme a cherché a se faire une petite place dans le wagon surbondé et s'est posé là, avec son costume de collégienne et son sac à peluche. Aujourd'hui il s'est laissé de manière assez interdite-par-la-loi pousser la bande de cheveux à l'arrière de son crâne, qui lui arrive aux épaules, et semblait avoir une barbe assez fournie agrémentée d'une élégante natte. Quelques personnes l'ont reconnu et lui ont parlé en anglais ou japonais, mais la plupart des gens éclatait d'un fou rire à sa vue, avant de fondre dans une gêne ou une distance assez amusante. A vrai dire la situation me semblait vraiment tordante, l'euphorie s'expliquant aussi... comme ça. 
On était côte-à-côte, collés aux portes, chacun appuyé sur l'épaule droite pour moins subir le poids des gens qui se poussent. Je le voyais donc de dos. Son costume, complètement vrai, complètement japonais, m'a inspiré. J'observais les droites et impeccables lignes de couture. Pas du vulgaire cosplay. Absorbé ensuite par la propreté même de ses doigts et de ses cheveux, pour un homme bien ancré dans la soixantaine (voire plus), j'ai cru pouvoir imaginer une aura particulière. "Un homme seul de plus" ai-je pensé. Pourquoi ? Il doit bien éprouver les regards et les jugements pour les avoir expérimenté tôt et durablement, et c'est comme si toutes les réactions des gens autour pouvant se porter contre lui à un moment donné s'annulaient automatiquement. Un homme obligé de se construire une telle carapace insensible simplement pour survivre ne peut que trop connaître la solitude liée à la différence.

 Pourtant je le voyais comme un petit enfant. Accablé ou ébranlé par une situation un peu trop overwhelming, il était vraiment, posé là, comme les enfants, à regarder par la fenêtre et s'étonner d'un mouvement inhabituel, avec ses petites lunettes rouges, à observer le soleil de 20h, doucement, alors qu'on sent les cognements, à chaque virage sur les rails. C'était une situation vraiment pleine de sens.

J'aurai même pu lui demander et faire un selfie. Je suis trop lâche et je ne veux pas le gêner, dans un pays étranger, je ne sais pas, moi je suis gêné, de lui demander de prendre une photo. Il a du prendre tellement de photos. Est-ce qu'il apprécie cela ? Toujours avec des gens inconnus ? Est-ce amusant ? Qui es-tu ?

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